Le projet européen H2020 HEARTEN, coordonné par l’Institut des Sciences Analytiques (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), a réuni, de 2015 à 2018, un large consortium de 12 partenaires académiques et industriels avec pour objectif d’améliorer la prise en charge des patients souffrant d’insuffisance cardiaque par la mise à disposition d’un kit de capteurs relié à des applications sur smartphones afin de leur permettre un mode de vie plus sain et autonome. Contribuant à la prévention secondaire grâce à l’indication directe et immédiate de stress métabolique ou oxydatif, le projet visait non seulement à éviter les situations critiques mais aussi à soutenir les patients et leur permettre de mieux suivre leurs traitements.
L’insuffisance cardiaque touche environ 26 millions de personnes dans le monde et en particulier les personnes de plus de 65 ans. Le projet HEARTEN, a permis le développement de prototypes de biocapteurs salivaire et respiratoire détectant et quantifiant de nouveaux biomarqueurs de l’insuffisance cardiaque pour suivre l’état de santé des patients, l’adéquation et l’observance de leurs traitements médicaux. D’autres capteurs pour le suivi de l’activité cardiaque, de la pression sanguine et de l’activité physique ont permis de finaliser ce kit de capteurs. Les données ainsi fournies sont complétées par des informations nutritionnelles depuis les smartphones des patients, ainsi que par la surveillance de leurs poids, leurs profils et l’ajout d’informations par les professionnels de santé. L’ensemble de ces données multiparamétriques, transmis au cloud HEARTEN, est analysé par un système de gestion des connaissances afin de délivrer des informations critiques, de produire des alertes, tendances voire des modèles prédictifs. Les patients atteints d’insuffisance cardiaque sont ainsi responsabilisés dans leur suivi médical tandis que les professionnels de la santé disposent des éléments pour émettre des avertissements, coordonner les thérapies, améliorer l’observance et intervenir avant toute crise.
Dans le cadre ce projet, le groupe micro et nanobiotechnologies de l’ISA a notamment contribué au développement de biocapteurs salivaires et respiratoires, non invasifs pour les patients. La teneur de biomarqueurs, notamment de certaines cytokines (TNF-α, Interleukin-10, cortisol, N-terminal ProBNP), augmente dans la salive lors d’inflammations locales et systémiques liées à l’insuffisance cardiaque. Le prototype de biocapteur salivaire, développé par la méthode d’ajout standard combinée avec des mesures d’impédance électrochimique, peut détecter ces cytokines grâce à des microélectrodes d’or fonctionnalisées.
Le biocapteur respiratoire, développé sur la base de microcapteurs de gaz conductimétriques, permet l’étude des composés organiques volatiles (COVs) caractéristiques du syndrome d’insuffisance cardiaque via la mesure de biomarqueurs dans l’air expiré par les patients. Ces microcapteurs sont formés de paires de microélectrodes interdigitées en or réalisées sur substrat de silicium et fonctionnalisées par différents nanomatériaux (zéolites, chitosan, metallophthalocyanines) sensibles aux COVs. Très performants, ces microcapteurs ont permis d’atteindre des limites de détection de l’ordre de quelques ppb. Ces microcapteurs ont été connectés à un smartphone pour l’analyse en ligne de l’air expiré par les patients atteints d’insuffisance cardiaque.
De premiers tests des prototypes de biocapteurs salivaires et respiratoires ont été réalisés avec succès dans les hôpitaux de Pise et Séville pour le diagnostic de l’insuffisance cardiaque. L’analyse plus rapide ouvre la perspective d’un temps et d’un coût d’hospitalisation réduits. Aujourd’hui la recherche se poursuit, focalisée sur le développement du biocapteur salivaire dans le cadre du projet KARDIATOOL.
Le projet européen H2020 KARDIATOOL, coordonné par l’Institut des Sciences Analytiques (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), réunit depuis fin 2017 un consortium de 14 partenaires de recherche académiques et industriels afin d’adapter aux conditions d’utilisation de soins cliniques ou hospitaliers le prototype de biocapteur salivaire, créé lors du projet HEARTEN, pour la détection et le suivi de l’insuffisance cardiaque.
Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque est particulièrement difficile en raison du large nombre de manifestations cliniques potentielles et de symptômes sont souvent non spécifiques. De plus, la majorité des modèles actuels de suivi thérapeutique ne sont ni personnalisés ni adaptés à une application clinique. Les dispositifs au point de service (POC) et les plates-formes de systèmes intégrés micro-nano-bio (MNBS) améliorent la capacité de détecter, d’analyser et de surveiller les biomarqueurs de l’insuffisance cardiaque, à des coûts moindres. L’objectif du projet KardiaTool est d’adapter le prototype d’un biocapteur salivaire à la pratique clinique pour répondre aux besoins en matière de diagnostic personnalisé et de surveillance thérapeutique au point de soins. La plateforme KardiaTool comprend un dispositif portable facile à utiliser au point de service (KardiaPOC) incluant un “laboratoire sur puce électronique” (Lab-on-a-Chip – LOC) jetable, pour l’évaluation, qualitative et quantitative non invasive, rapide et précise, des biomarqueurs de l’insuffisance cardiaque à partir d’échantillons de salive. Un logiciel d’aide à la décision (KardiaSoft) est associé au dispositif ; basé sur des techniques de modélisation prédictive, il analyse les données fournies par le dispositif portable et les données des patients directement ajoutées par les professionnels de santé, et fournit des informations relatives au diagnostic de l’insuffisance cardiaque et à la surveillance du traitement.
Le groupe micro et nanobiotechnologies de l’ISA a transformé le prototype salivaire développé dans le cadre du projet HEARTEN. Le groupe a en effet élaboré une nouvelle approche intégrant des bobines magnétiques combinées à des transistors à effet de champs afin d’améliorer la détection. Pour éviter les effets de matrices et pour pré-concentrer les biomarqueurs de la salive, des nanoparticules enrobées d’anticorps sont placées dans l’échantillon salivaire. Seules les nanoparticules ayant réagi avec les biomarqueurs de l’insuffisance cardiaque sont fixées par le champ magnétique puis relarguées après nettoyage dans la chambre de détection. Testés avec de la salive synthétique, ce dispositif est plus performant que le prototype initial et permet d’atteindre une détection de l’ordre de 0,1 picogramme/ml. Cependant les tests sur échantillons salivaires réels sont actuellement retardés en raison du contexte sanitaire (Covid).
En savoir plus sur les projets (coordination ISA)
- HEARTEN « A co-operative mHealth environment targeting adherence and management of patients suffering from Heart Failure
Présentation sur le site cordis – vidéo de présentation (en anglais – page facebook du projet) - KARDIATOOL. An integrated POC solution for non-invasive diagnosis and therapy monitoring of Heart Failure patients
Grant agreement ID: 768686 – présentation du projet sur le site cordis – site web du projet (anglais)
Contact : abdelhamid.errachid{@}isa-lyon.fr
Sélection de références du groupe micro & Nanobiotechnologies dans le cadre des projets KARDIATOOL et HEARTEN
Ben Halima H., Bellagambi F., Alcacer A., Norman P, Heuberger A, and al. A silicon nitride ISFET based immunosensor for tumor necrosis factor-alpha detection in saliva. A promising tool for heart failure monitoring. Analytica Chimica Acta, 2021, 1161: 338468. ⟨10.1016/j.aca.2021.338468⟩
Bellagambi F., Lomonaco T., Salvo P., Vivaldi F, Hangouët M., and al.. Saliva sampling: Methods and devices. An overview. Trends in Analytical Chemistry, , 2020, 124, 115781. ⟨10.1016/j.trac.2019.115781⟩
Zea M., Bellagambi F, Ben Halima H, Zine N, Jaffrezic-Renault N, and al.. Electrochemical sensors for cortisol detections: Almost there. Trends in Analytical Chemistry, 2020, 132, 116058. ⟨10.1016/j.trac.2020.116058⟩
Bahri M., Baraket A., Zine N., Ben Ali M., Bausells J, and al.. Capacitance electrochemical biosensor based on silicon nitride transducer for TNF-α cytokine detection in artificial human saliva: Heart failure (HF). Talanta, Elsevier, 2020, 209, 120501. ⟨10.1016/j.talanta.2019.120501⟩
Barhoumi L., Bellagambi F., Vivaldi F., Baraket A., Clément Y, and al.. Ultrasensitive Immunosensor Array for TNF-α Detection in Artificial Saliva using Polymer-Coated Magnetic Microparticles onto Screen-Printed Gold Electrode. Sensors, MDPI, 2019, 19 (3), pp.692. ⟨10.3390/s19030692⟩
Pruna R., Baraket A., Bonhommé A., Zine N., Errachid A., Lopez M. Novel nanostructured indium tin oxide electrode for electrochemical immunosensors: Suitability for the detection of TNF–α. Electrochimica Acta, Elsevier, 2018, 283:1632–1639. ⟨10.1016/j.electacta.2018.07.066⟩
Garcia–Cruz A., Lee M., Zine N., Sigaud M., Marote P., Lopez M., Baussells J., Jaffrezic-Renault N., Errachid A. Biopatterning of antibodies on poly(pyrrole)–nanowires using nanocontact printing: Surface characterization. Materials Science and Engineering: C, 2018, 91: 466–474. ⟨10.1016/j.msec.2018.05.047⟩
Baraket A., Lee M., Zine N., Sigaud M., Bausells J., Errachid A. A fully integrated electrochemical biosensor platform fabrication process for cytokines detection, Biosensors and Bioelectronics, 2017, 93:170-175 ⟨10.1016/j.bios.2016.09.023⟩
Baraket A., Lee M., Zine N., Yaakoubi N., Bausells J, Errachid A. A flexible electrochemical micro lab-on-chip: application to the detection of interleukin-10. Microchimica Acta, 2016, 183 (7):2155-2162. ⟨10.1007/s00604-016-1847-y⟩